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Autobiographie d’une esclave

Hannah Crafts

dans ancres | lire
par Jean-Christophe Courte

Petit bouquin étonnant… Pas tant par le style littéraire de l'auteur mais pour son histoire incroyable. En fait ses histoires devrais-je préciser. D'abord pour la véritable histoire d'une esclave noire — Hannah Crafts — racontée par elle-même. Ensuite pour l'histoire de ce manuscrit découvert — à nouveau — en 2001 par Henri Louis Gates Jr. En fait, il acheté ce document lors d'une vente annuelle et s'est aperçu que la précédente propriétaire de ce manuscrit n'était autre que Dorothy Porter Wesley, une bibliothécaire et historienne noire de renom aux USA.

Complètement passionné par cette découverte, il n'a eu de cesse de trouver les preuves de l'existence réelle de Hannah Crafts, histoire de prouver qu'elle fut bien la première femme noire, réellement esclave, à parler de sa vie. Elle raconte très franchement son enfance, son envie d'apprendre à lire (ce qu'elle fit à l'insu de son maître et grâce à la complicité d'autres personnes), son quotidien, les problèmes avec d'autres esclaves (jalousies diverses) qui conduisirent sa maîtresse à l'obliger à se marier à un autre esclave contre son gré… Là, sa décision de s'enfuir immédiatement, nourrie par le dégoût de cet homme qu'on lui imposait et avec qui elle n'avait aucun atome crochu… Elle narre par le détail cette épopée dure, les compagnons de galère qu'elle rencontra en cours de route et, enfin, comment elle échappa. Suit ensuite sa nouvelle vie. Sa chance…? Elle était très pâle et pouvait passer pratiquement pour une blanche.

Ce qu'explique Henri Louis Gates Jr. dans son introduction c'est qu'il pense très sérieusement tenir ici un récit unique. En effet, tous les grands succès littéraires comme La case de l'Oncle Tom ont été écrits par des blancs…! Des blancs certes qui se sont documentés mais qui caricaturent involontairement la vie des esclaves. Sans oublier les poncifs…
La lecture de ces histoires d'esclavage nous révèle que leurs auteurs professaient des opinions racistes extrêmement répandues au XIX° siècle sur la nature et les capacités de leurs personnages noirs — une attitude que bien peu d'écrivains eux-mêmes noirs auraient pu adopter. Dans le roman de Matttie Griffith, on peut lire : « Le jeune maître, avec son teint pâle d'intellectuel, ses traits classiques, ses boucles brillantes comme le soleil et ses yeux bleus empreints de gravité, était à demi couché, évoquant l'image d'un ange de lumière, alors que les deux petits visages noirs semblaient emblématiques d'une humanité déchue, avilie. »

Sans commentaires.

Or ce n'est pas le cas dans ce récit. Il évoque également un autre ouvrage, Our Nig d'Harriet E. Wilson, mais œuvre d'une femme noire née libre. Autobiographie d'une esclave démarre comme une enquête pour finir par trouver les personnages décrits dans le récit (ses maîtres blancs dont l'un est parfaitement identifié, etc.) et rassembler un faisceau de preuves solides qui tend à affirmer que ces pages ont bien été écrites par une personne ayant vécu cette situation.

À lire pour cet aspect authentique mais pas pour le style et les digressions qui s'expliquent mais rendent parfois la lecture un peu lourde. En tous cas, superbe témoignage de l'esclavage aux USA à l'époque, sur le peu de considération que les maîtres avaient d'eux  les punitions qui allaient jusqu'à la mort de ceux qui résistaient à leur Loi. Témoignage de l'intérieur.

Autobiographie d'une esclave
Hannah Crafts
Petite Bibliothèque Payot
9782228902083 | 9 €



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Pour mémoire et un peu hors sujet (quoi que…), cette photo de 1907 prise par François Crucière… Au Jardin d'acclimatation lors de la venue à Paris des Malabars. Merci de trouver le détail qui fâche.

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Vous la retrouverez prochainement en totalité sur mémoire digitale…
Note(s) de lecteur(s)…

C'est Jean-Frédéric qui gagne le grand prix d'urbanbike…! Je le cite :
Je pense avoir trouvé le détail
Les organisateurs ont mis un grillage à mailles trop grandes donc :
- on peut donner à manger aux animaux (et tout le monde sait que c'est interdit)
- les visiteurs peuvent être blessés par ces derniers. (De nos jours la commission de sécurité serait intervenue)
Alors qu'est-ce que j'ai gagné ?
Un voyage chez les colonialistes ?

C'est absolument cela et, en ces temps de mémoire médiatique, c'est le genre de rappel qui ne fait pas de mal… Merci Jean-Frédéric pour cette ironie (bien évidemment, c'est du second degré, CQFD…).

le 20/02/2008 à 06:00 | .(JavaScript must be enabled to view this email address) à Jean-Christophe Courte | #