Document | Ils ont vaincu le pôle
Roald Amundsen | Robert Falcon Scott
Pour résumer, Amundsen arrive le premier au pôle le 14 décembre 1911 et repart aussitôt pour rejoindre sa base le 26 janvier 1912. 3000 kilomètres parcourus en 99 jours, presque une promenade de santé pour cette équipé athlétique… Scott arrive un mois plus tard, le 16 janvier 1912 mais dans des conditions météorologiques dégradées… Le 29 mars, comme ses quatre compagnons, il meurt épuisé, affamé, bloqué dans une tempête de neige à quelques kilomètres du dernier dépôt de nourriture.
Il est temps de relire les deux textes, celui de Scott, le bon soldat entêté et totalement à côté de la plaque en terme d'organisation. Et celui de Roald Amundsen, prévoyant, attentif et hyper organisé, méticuleux… Il est vrai que l'on est dans un monde où l'on préfère toujours les perdants héroïques aux vainqueurs efficaces… En lisant ces deux textes, je me suis remis en mémoire les récits de Redmond O'Hanlon et la préparation de son voyage à Bornéo. Ou encore la préparation d'Eric Newby et son copain Hugh pour leur périple dans l'Hindou Kouch. Ou encore l'attente de Robert Byron de ses véhicules pour se déplacer en Syrie…! Dans ces trois cas, des préparations et des produits peu adaptés aux terrains rencontrés… Ne ne me faites pas dire ce que je pense en partie…! Est-ce une spécialité typiquement britannique…?! Heureusement, dans ces trois exemples, il n'y a pas eu mort d'homme…
Dans le cas de Scott et de son expédition, l'objectif fut bien atteint mais au prix de quelles souffrances. Et c'est ici où il me semble intéressant d'analyser les raisons de l'échec de Scott comme celles de la réussite d'Amundsen, ce dernier ayant toujours été très fair-play vis-à-vis de son challenger… Entre les chiens esquimaux, les skis, les vêtements adaptés car empruntés aux inuits, les sept dépôts de nourriture à profusion, des cairns construits tous les 15 kilomètres (150 en tout), les 5 norvégiens sont des "pros"… À l'inverse, Scott essaye des solutions jamais testées tant en terme de vêtements que l'usage de poneys…
Le reste est à découvrir dans ces deux récits étonnants, Amundsen qui vérifie que ses prévisions sont en accord avec ce qu'il réalise quotidiennement et Scott qui se rend compte assez rapidement qu'il est en retard sur son programme, que son organisation part en vrille, que la nourriture va manquer et improvise tant bien que mal… Pathétique, obstiné et d'un courage incroyable.
Chaque lecteur en tirera une opinion personnelle. Si l'histoire retient généralement la partition dramatique de l'expédition Scott, il me semble important de lire dans le détail Amundsen et d'en tirer des enseignements de bon sens… même pour une simple randonnée en montagne.
Deux récits époustouflants, vrais, deux histoires où la réalité dépasse de cent coudées n'importe quelle fiction cinématographique à grand spectacle… À lire impérativement. Deux styles, deux perceptions du mondes antagonistes…
Amundsen et son équipe, pragmatiques, hygiénistes (la ventilation de leur camp de base est un fabuleux exemple), peaufineurs dans le détail (et que je réfléchis à la couleur de la tente, aux chaussures, aux lunettes avec concours et émulation entre les membre du groupe)
Scott qui fonctionne avec des idées préconçues, se plante avec ses chenillettes autotractées, doute de l'usage des chiens (il aurait pu gagner avec eux…), mise tout sur les poneys qui finissent tous par mourir épuisés, perd du temps à installer un téléphone entre la base et une cabane à quelques kilomètres… Bref, homme de son temps qui n'utilise pas l'expérience des peuples arctiques… Et surtout pense toujours qu'il joue de malchance au lieu de réflechir à ses erreurs. Sans oublier que son équipe est trop nombreuse face aux 5 norvégiens qui font le raid gagnant…
Il faut relire les deux récits en parallèle, c'est frappant.
Ils ont vaincu le pôle
Récits de l'exploration des deux découvreurs du pôle Sud (1910 - 1912)
Roald Amundsen | Robert Falcon Scott
Presse de la Renaissance
436 pages
9782750904159 | 22,80 €
