La sagesse de la mer
Björn Larsson
dans
ancres |
dans mon bocal |
lire
par Jean-Christophe Courte
Si vous avez lu le Cercle Celtique (chroniqué dans urbanbike comme son autre policier, La véritable histoire d'Inga Andersson), c'est chouette de découvrir que les descriptions des épisodes de mer de cette histoire haletante n'ont rien du hasard…! L'auteur a vécu près de 7 ans sur un petit bateau, un qui voyage pour de bon dans l'atlantique nord. Rien à voir avec ces unités splendides que l'on peut découvrir dans certains ports, amarrés à l'année, ceux que je nomme des yachts apéritifs…
Gamin, avoir un bateau était un rêve. La possibilité de pouvoir lever l'ancre à tout moment avec sa maison flottante, hisser les voiles et quitter la compagnie des fâcheux, retrouver un certain sens du mot liberté. Bon, ma vie m'a conduit vers d'autres choix que ceux de Larsson mais je retrouve dans ce texte bien des sentiments qui étaient les miens. Un univers flottant mais limité en volume, dans lequel tout objet embarqué l'est à l'issue d'une réelle réflexion, la place étant chèrement comptée. Du coup, pas de superflu, que des choses essentielles et utiles. Même si désormais avoir un téléphone mobile est à la portée de tout marin.
Vivre sur un bateau, c'est avant tout accepter les aléas de la mer et, principalement, de la météo… Ici la nature reprend toute sa dimension, sa puissance. Qui a vécu des grosses tempêtes, s'est retrouvé ballotté comme un bouchon, obligé de s'amarrer à une bouée pendant des jours sans pouvoir échapper à des vents violents, des pluies torrentielles prend du recul vis-à-vis de l'univers "lisse" que l'on essaye de nous vendre. Se confronter à la mer permet de relativiser, a contrario de ceux qui n'évoluent que dans un univers urbain où tout est disponible dans l'instant et qui trépignent au moindre retard…! D'autant plus si l'on ne peut regagner la terre… Enfin, y aller, oui ; mais sans avoir la certitude de revenir au bateau pour la même cause, la force du vent…!
Björn ajoute ceci :
Avoir sans cesse ces vents violents dans les oreilles même si l'on est ancré de façon sûre, finit par être lassant. La situation a encore empiré du fait que, plusieurs jours de suite, nous avons reposé sur le fond pendant une heure à chaque marée basse. Nous étions arrivés à Baltimore juste au moment où l'amplitude est la plus grande et la hauteur d'eau ne suffisait pas pour le tirant du Rustica.
Que fait-on, au cours de journées pareilles ? va-t-on me demander. On lit de bons livres, on bavarde, même si cela ne va pas très loin, on fait la cuisine et on mange, on écoute de la musique et la radio, volontiers dans quelque langue étrangère et exotique, on répare quelque chose sur le bateau, on prépare la suite du voyage ou de futures expéditions en navigant à sec sur la carte marine et portant des caps et des distances, on reste assis dans le cockpit à regarder le ciel, l'eau et la nature, on boit une bouteille de vin le soir venu. Pour ma part, en plus de cela, je polie des pierres et j'écris des livres. Tant que j'ai ce qu'il faut à bord, ce n'est pas une punition pour moi de ne pouvoir gagner la terre pendant quelques jours. La seule chose qui puisse me taper sur les nerfs c'est le vent et le fait que jamais, pas une seconde, il ne se tait. On s'habitue certes, mais pas à tout et pas éternellement. Au bout d'un moment, on est capable de distinguer la chute d'une aiguille, au milieu du hurlement du vent.
L'auteur parle également de son enfance, du paradoxe pour lui d'être sur l'eau (je vous laisse découvrir pourquoi…), de sa vie et c'est un très chouette récit qu'il nous fait là…
À mettre entre toutes les mains.
La sagesse de la mer
Du cap de la Colère au Bout du monde
Björn Larsson
Le livre de poche (30438)
9782253114932 | 6 €
