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Au coeur de Bornéo

Redmond O’Hanlon

dans ancres | lire | potager
par Jean-Christophe Courte

Bon, je me suis enfin décidé à rédiger une courte (sic !) chronique sur Au coeur de Bornéo…! Que les choses soient claires, dans mon panthéon personnel, Au coeur de Bornéo est l'un des meilleurs récits de voyage (le meilleur…?!) que j'ai lu et je l'ai évoqué sur urbanbike à plusieurs reprises. Mercredi dernier, hop, je tombe à nouveau sur ce bouquin dans ma bibliothèque.
Pas lassé de le lire…? Non…!

Cela est du en majeure partie au style même de l'auteur, Redmond O’Hanlon ; à l'objectif de cette mission à travers des régions inexplorées de Borneo ; à la personnalité de son compagnon de voyage et ami, James Fenton et à cette manière "so british" de raconter cet extravagante épopée et ses incidents. Sans oublier une très forte proximité, complicité avec les personnes rencontrées comme avec leurs trois guides d'exception, Dana, Leon et Inghaï.

Bref, la balade d'un véritable savant, fin connaissance des oiseaux, embarquant avec lui une incroyable documentation qu'il cite abondamment dans son texte et d'un authentique poète dans un coin de la planète pas franchement ouvert aux touristes. Le but étant de trouver la trace d'une espèce locale de rhinocéros portée disparue.

Malgré des préparatifs à grande vitesse sous la houlette du SAS (…où l'on découvre que l'Oncle Egg fait partie de ces héros discrets…), le choc est rude en rejoignant peu-à-peu le point de départ de l'expédition. Il faut se plonger dans ces années qui suivent la seconde guerre mondiale pour comprendre l'image très positive dont jouissaient les britanniques en Indonésie. Bref, bien que prévenus, la réalité sur place est encore plus démente côté bestioles en tous genres…!

Mais ce qui fait la force de ce récit, c'est l'humour, la description ironique des situations, même des plus périlleuses (…avec disparition — momentanée ! — dans un rapide assez traître de Djamze et de son chapeau…!), des nuits dans la jungle, des opérations de ravitaillement, la connivence avec les trois accompagnateurs. Jamais O’Hanlon n'oublie dans son récit les trois ibans solides et amusés qui les assistent, souvent morts de rire en regardant nos deux anglais — je pense à la tentative de pèche…! Bref, une équipe franchement soudée (il faut mieux…!) pour supporter les rebondissements d'un tel périple.

Dana se munit de son fusil — une arme à canon simple qui ne conservait son intégrité que par la vertu de bouts de fil de fer et de liens de rotang — et s'en alla chasser le cochon sauvage. Leon et Inghaï s'éloignèrent eux aussi pour pêcher au harpon. Nullement épargné par l'humidité ambiante, le Balkan Sobranie dont j'avais bourré ma pipe avait à peu près le même fumet qu'un coulis de graillons, et plus j'absorbais d'arak, plus j'avais l'impression que pour obtenir pareil breuvage on avait assurément distillé du sparadrap fermenté. Sans compter qu'un étouffe-bougre pareil ne tarde guère à vous donner des visions.

La preuve, c'est que sur la berge d'en face je vis une bande de mousseline blanche se détacher de l'exubérant fouillis d'arbres et de lianes pour évoluer au-dessus de la rivière et la traverser en diagonale, par de lentes et molle ondulations faisant songer à celle d'une lamproie dans un lac. Apparition très féminine, ma foi, évocatrice de tout ce dont l'absence commençait à me peser quelque peu : soie froufroutante, petites culottes de dentelle, porte-jarretelles mystérieusement compliqués, longs bas clairs et soyeux glissant au bas du lit. Je considérai l'arak avec un respect accru et en pris un autre gorgeon.

Au terme d'un laborieux débat intérieur, une interrogation finit par se préciser dans mon esprit. Et si — comme il n'était pas interdit d'en formuler l'hypothèse par commodité —, oui, et si ce que je voyais n'était pas un porte-jarretelles, mais un papillon ?

Redmond O’Hanlon l'identifie enfin comme étant un paradisier gobe-mouche mâle…!

Cette histoire est aussi celle de rencontres superbes avec les Dayaks, parfois de chocs culturels mais vite réduits par une incroyable capacité de ces deux anglais à jouer le jeu sans tricher… À fond même…!
Et là, je vous laisse apprécier…!

Bref, on se marre…! Que dis-je, on s'étrangle de rire — et pas que nous ! — tout au long de ce récit. Nous suivons les cinq protagonistes de bout en bout dans la moiteur de la jungle, sa vie nocturne et ses inconvénients (dans ce cas là, je suis heureux de lire ceci enveloppé confortablement dans ma couette…!).

Je ne vous dirais pas s'ils arrivent à trouver le fameux rhinocéros mais c'est une fort belle aventure humaine… Si vous arrivez au bout de ce livre, rassurez-vous il y a une quasi suite avec Help ! Ma croisière en Amazonie. Sans de John Fenton cette fois-ci.



Au coeur de Bornéo
Redmond O’Hanlon
Petite Bibliothèque Payot/Voyageurs (n°54)
9782228894418 | 9 € | 316 pages



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Entre les mulots blancs et les anacondas USB, ce livre dans ma jungle personnelle…! J'espère que vous comprendrez pourquoi j'ai souvent offert ce livre et pourquoi je n'hésite pas à le lire à nouveau…

Note : bien évidemment, quand on lit ce récit et que l'on compare avec la situation actuelle 45 ans plus tard à Bornéo, on se dit que l'homme "civilisé" est réellement un gros naze, qu'il a le "chic" pour transformer en grande poubelle l'environnement dont il tire ses ressources. Bornéo n'a pas échappé à l'avidité des compagnies prêtes à tout pour faire, vite et bien, du cash. Du coup, au lieu de tirer bien plus d'informations d'un milieu naturel, nous assistons à une exploitation sans réflexion d'un quelconque "après" des richesses connues…
Bref, le "pire est avenir".

le 12/09/2009 à 07:30 | .(JavaScript must be enabled to view this email address) à Jean-Christophe Courte | #