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Les raisons du doute | polar

Gianrico Carofiglio

dans ancres | lire
par Jean-Christophe Courte

Je suis client de l'excellent Andrea Camilleri et du commissaire Montalbano. J'en ai lu pas mal avec la même gourmandise en me disant qu'il était difficile d'égaler le talent de Camilleri. Erreur, Gianrico Carofiglio met ici en scène un avocat — Guido Guerrieri — un peu paumé mais très humain. Et la magie opère vite. Je me suis retrouvé au milieu de la nuit à prendre la décision de dormir tout de même un minimum, porté par l'écriture et l'intrigue.

Son héros se balade à vélo dans Bari et assiste des délinquants sans pour autant être dupe de leurs agissements. Sauf que l'on est pas dans une ville ordinaire.

Bari, est en face de Bar, de l'autre côté de l'Adriatique, une ville pas trop loin de l'Albanie. Je me souviens, gamin, être passé ainsi en ferry de l'ex. Yougoslavie en Italie pour accompagner mes parents lors de vacances d'été.


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Or, dans l'histoire décrite, cette traversée est aussi celle de tous les trafics. Le client que doit défendre Guerrieri s'est fait pincer avec de la drogue dans sa voiture. Sauf qu'il revenait de vacances avec sa femme et sa fille.

Opération camouflée qui a flanchée ou réel passage de stupéfiants à son insu…? On est pas dans la violence décrite dans Gomorra mais dans un jeu étrange où certains membres de la justice ont — comme c'est étrange — des liens étroits avec les organisations qu'elles sont censées combattre. Si tout ceci vous semble totalement incroyable, je vous engage à lire les derniers billets du blog de Jean-Marie Le Ray, cela laisse pourtant peu de doutes. Et un point de vue qui en vaut d'autres.
La suite est à découvrir dans ce polar que je trouve très attachant.
Ambiance.
Il faisait un froid de loup à Foggia ce matin-là, et il fut donc très agréable de pénétrer dans le restaurant bien chauffé et plein de bonnes odeurs. Colaianni était déjà là, assis à une table en compagnie de deux individus à l'air peu recommandable : les policiers de son escorte.
Nous nous étreignîmes, échangeâmes les politesses habituelles de lycéens d'un certain âge. Sans un mot, les deux membres de l'escorte se levèrent et prirent place à une autre table, près de l'entrée.
« Depuis combien de temps vis-tu à Rome ?
- Depuis trop longtemps. J'en ai plein les bottes. En particulier, j'en ai plein les bottes du boulot de l'anti-Mafia. Nous passons notre temps à arrêter trafiquants et dealers, à dépenser des centaines de milliers d'euros en écoutes téléphoniques, à interroger des repentis, ou des pseudo-repentis, et rien ne change. Je devrais me trouver un travail honnête. »
Voilà, pensai-je, c'est exactement ce que je me suis dit il y a quelques jours en sortant de la prison. Nous étions les meilleurs représentants d'une génération en plein succès professionnel.
Je gardai ces réflexions pour moi, et il poursuivit. Il avait brusquement abandonné le ton de la plaisanterie pour celui d'une amertume que je n'aurais jamais soupçonnée chez lui.
Contrairement à moi, il avait toujours nourri des passions et surtout des certitudes.

Bon, je vous laisse, j'ai encore une centaine de pages à lire…

Les raisons du doute
Gianrico Carofiglio
Traduction de l'italien par Nathalie Bauer
Seuil Policiers
9782021000092 | 19,50 €



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Note : j'ai terminé le 18 mars aux petites heures ce polar. C'est encore mieux que je le pensais pour des tas de raisons dont une concentration très chouette sur les émois intérieurs de l'avocat Guido Guerrieri (et beaucoup de pudeur, l'auteur ne cède pas à des facilités qui auraient dopé les ventes !), une excellente démonstration du boulot d'avocat, de la manière dont la justice se "joue" en Italie — avec ici un côté rassurant, pas encore "tous pourris".

Bref, je persiste et je signe : à lire…

le 17/03/2010 à 08:30 | .(JavaScript must be enabled to view this email address) à Jean-Christophe Courte | #