Intermittence | Polar
Andrea Camilleri
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par Jean-Christophe Courte
Rien de plus détendant que la lecture d'un bon polar. Celui-ci tient en 180 pages et est d'une férocité, d'un cynisme et d'un humour consommés. Je l'ai lu d'une traite en me régalant des descriptions des personnages brossés par Camilleri. Certains trouveront que ces gens sont caricaturés, que c'est de la pure invention, etc. Mais dans quel monde vivez-vous ? L'histoire que Camilleri nous narre est épatante, tant au niveau du timing que de l'opération (relire les dernières semaines d'actualité dans notre propre pays) qui se trame.
Confiance, trahison, sentiments mais aussi cupidité et jeu d'échecs avec cette manière épatante de sacrifier quelques pions si nécessaire pour gagner. Et gagner beaucoup !
Désolé, mais j'ai croisé quelques Mauro, Beppo, Guido avec des prénoms bien de chez nous, ambitieux, manipulateurs, entièrement tournés vers leur propre réussite. Intelligents, diplômés de prestigieuses écoles certes, mais prêts à vous réduire en poussière si vous vous opposiez à leurs plans.
Et toujours les mêmes ingrédients : le besoin de réussir coûte que coûte, d'afficher les attributs de cette dernière (possessions, qu'elles soient immobilières, mécaniques ou sexuelles). Force de conviction (capacité à faire pleurer les foules avec des idées nobles dont ils n'ont strictement rien à battre), relations habilement tressées, ambition sans limite mais aussi certitude d'être le meilleur en toutes circonstances. Ajoutez à cela une once de suffisance, deux ou trois tours de mépris.
Avec le risque que ça parte un jour en vrille.
Bref, ici, l'histoire d'un rachat d'entreprise qui va servir également à réaliser de belles économies et un nettoyage industriel tout en professant de belles et fortes convictions humanistes dans des circonstances que je vous laisse découvrir.
Le tout sous fond de crise économique en Italie (…mais, rassurez-vous, ces puissants sont partout, à notre porte certainement si vous savez les entendre au journal télévisé…!) et de libéralisme pur jus où chacun joue sa partie sans se soucier ni de l'entreprise ni de ceux qui les font tourner. Juste de SA pomme.
Bref, c'est jouissif car on ne cesse de ricaner dans cette histoire ou tout le monde essaye de baiser son prochain (ou sa prochaine).
J'ai bien aimé la citation du journal Les Échos sur la quatrième…
Intermittence est un pamphlet féroce contre l'Italie ultra libérale et ses élites cyniques. Un grand éclat de rire jaune qui fait froid dans le dos.
Je remplacerais juste Italie par Monde tant ce récit vise à l'universalité !
Note de fin : et excellente traduction de Serge Quadruppani.
Intermittence
Andrea Camilleri
Points | roman noir
9782757830994 | 6,30 €