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Cap Horn

Francisco Coloane

dans ancres | lire
par Jean-Christophe Courte

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Bon, si vous avez le bourdon, pas la peine de vous plonger dans ces nouvelles sombres et glacées… Superbement écrites, elles recèlent cette part d'angoisse que l'on peut ressentir quand on vit à plein temps sur une île battue par les tempêtes, balayée par le vent… Et là, ce n'est pas n'importe laquelle…
Pour ma part, étant d'un naturel optimiste, je lis une nouvelle de temps à autre mais j’évite de m'y plonger entièrement…

Francisco Coloane est chilien et connaît bien le sud, l'extrême sud de l'Amérique du sud… Je l'ai abordé sous la recommandation de la libraire de l'usage du monde, un lieu à moitié enterrée sur une autre île, Belle-île…

Ce qui précède est ce que j'écrivais il y a deux ans, à pâques (première publication de ce billet le 11 avril 2006).

Je découvrais alors Francisco Coloane en ouvrant Cap Horn. La première nouvelle de ce recueil de récits est effroyable…! Les images de ce texte m'ont poursuivi quelques jours. J'ai remis à nouveau la main (droite…!) hier soir sur ce livre et, confortablement installé sous la couette — tout en sortant toutes les heures pour aller déposer une bûche dans l'âtre…! — j'ai parcouru à nouveau ces histoires terribles du grand sud de l'Amérique du Sud…

Je vous engage à lire d'abord Le passant du bout du monde (je pense toujours que c'est le premier livre à lire pour découvrir cet auteur) puis Tierra del Fuego — chroniqués l'un et l'autre sur urbanbike — qui fonctionne dans la même ligne que Cap Horn…

Relations entre hommes mais aussi, entre l'homme et son cheval et, plus fort encore, avec ses chiens. Bien évidemment, dans les vastes étendues glaciales du Paramo, ce ne sont pas des chiens de compagnie qui sont recherchés mais de véritables associés pour forcer les moutons à revenir dans les filets du corral…!

Coloane sait nous transmettre la dureté de cette vie que lui même a connu gamin quand il est arrivé dans sa première estancia. Il raconte tout, même les abus potentiels (le vellonero) d'autres hommes, les campements lors des transhumances avec leurs risques (une nuit dans le Paramo), l'importance du compagnon à quatre pattes (cururo) mais aussi des histoires de mer incroyables. Comme l'iceberg de Kanasaka, cet éphémère iceberg fantôme que croisent quelques marins et son explication qu'il tient des indiens Yaghan.

Bref, des textes rudes qui n'ont pas le côté délirant des histoires de Jørn Riel mais des situations toutes aussi difficiles de survie dans un milieu franchement hostile… Une sacrée collection de personnages et d'histoires glaçantes.

Et Coloane nous livre en passant nombre de réflexions liées à ses propres aventures… Dont celle-ci que je partage totalement.

Il m'est arrivé plusieurs fois, en mer, d'être bercé dans les bars de la mort; c'est pourquoi je déclinai la proposition : il est très angoissant de se retrouver à l'intérieur d'une souricière assaillie par les flots quand on s'attend à couler à tout instant. J'ai appris à connaître la mer et je sais que l'imminence d'un naufrage est moins éprouvante si l'on est sur le pont en plein vent. En outre, l'attente de la mort n'est pas aussi effroyable sur un petit navire que sur un navire de gros tonnage. Sur le premier, la mer est à portée de main ; les vagues déchaînées nous offrent l'avant-goûts saumâtre des quelques minutes que durera notre agonie ; nous titubons à la frontière de la mort dont nous ne sommes séparés que par un petit pas.


Cap Horn
Francisco Coloane
Phébus Libretto
9782752900814 | 7,50 €



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le 24/03/2008 à 11:30 | .(JavaScript must be enabled to view this email address) à Jean-Christophe Courte | #