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Le peintre de batailles par Arturo Perez-Reverte

Réflexions sur la photographie et l'effet papillon

dans lire | photo
par Jean-Christophe Courte

C'est la trame de ce livre traduit en janvier 2007… L'impact d'une photo diffusée mondialement et ses répercussions sur la vie de celui qui a été photographié et sur ses proches. Le peintre de batailles, c'est un photographe de guerre.

Lors d'un siège terrible, il a immortalisé un soldat croate. Cette photo a fait le tour du monde et lui a valu un prix prestigieux. Sauf que cette photo a également été vue par les acteurs du conflit.
Je n'en dirais pas plus car c'est tout l'intérêt de ce livre de montrer la possible responsabilité du photographe sur le cours des choses, ce fameux effet papillon qui conduit le soldat photographié a demander des comptes à l'auteur de la photo…
On arrivait ainsi, derrière les armes de d'obstruction et celles de destruction — Olvido l'avait vu avec une extrême lucidité sur la photo de Beyrouth —, au troisième système : les armes de communication. La fin de l'image aseptisée et innocente, ou de cette fiction universellement acceptée. À l'époque des réseaux informatiques, des satellites et de la mondialisation, ce qui modifiait le territoire et les vies qui le traversaient, c'était la désignation. Ce qui tuait, c'était de désigner du doigt : un pont capté dans le monitor d'une bombe intelligente, l'annonce d'une montée ou d'un écroulement de la Bourse émise par tous les journaux télévisés du monde à la même heure. La photo d'un soldat qui, jusqu'à ce moment, était un visage anonyme parmi d'autres.

On aime ou non le style de Arturo Perez-Reverte mais on ne sort pas indemne de la lecture de son livre car prendre une photo n'a effectivement plus rien d’innocent dès lors que les êtres immortalisés subissent aussitôt une diffusion worldwide. Ce roman est d'autant plus profond que l'auteur a réellement travaillé comme correspondant de guerre et grand reporter en Bosnie. Cela se sent dans nombre de détails qui ne peuvent être perçus que par un témoin engagé sur le terrain des combats.
Le soldat de la photo, continua Markovic, a eu plus de chance que ses camarades. Ou moins de chance ? Démobilisé du fait de sa blessure, il a décidé d'aller en convalescence à Zagreb. C'est dans un endroit appelé Oku?ani que la chance a tourné. Le bus est tombé dans une embuscade.
Les passagers du bus étaient des civils, reprit-il après une pause. Des vieux, des femmes, des enfants. C'est pourquoi au lieu de les assassiner sur place, les Serbes les ont emmenés dans un centre d’interrogatoires de l'armée régulière, où le soldat a été soumis aux mauvais traitements de rigueur. Et puis, entre deux passages à tabac, un garde l'a reconnu. Il était l'homme de la fameuse photo. Le héros de Vukovar. Le visage même des séparatistes croates.


Le peintre de batailles
Arturo Perez-Reverte
Traduit de l'espagnol par François Maspero
Seuil
9782020888073 | 22 €

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le 17/08/2007 à 07:30 | .(JavaScript must be enabled to view this email address) à Jean-Christophe Courte | #