Cerveau et mécanismes d’identification
Déceler l’incongru
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par Jean-Christophe Courte
Ce billet est né en mars 20191 un après-midi le long du rio Tormes, en marchant et en échangeant avec ma fille.
Avant de rejoindre son université, comme il fait souvent beau soleil même si les 12° nous obligent à nous couvrir, nous maintenons cette habitude de faire un grand tour à pied dans Salamanque2.
Échanger pour nous, c’est parler de tout, s’intéresser à l’autre, à ses centres d’intérêt du moment, préoccupations, activités et rencontres du jour.
Tout en discutant, mes yeux restent attentifs tant aux piétons que nous croisons, à l’environnement automobile, passages cloutés, paysages urbains.
En traversant le Tormes par le pont Esteban, filant vers la petite église de la Santísima Trinidad limitrophe du parking où l’on gare généralement le Jeep, le vent s’invite et notre discussion dérive vers nos balades sur les sentiers côtiers de belle-île, ses premières3 photos au 100 macro, glosé sur les clichés actuels au iPhone. On finit par obliquer vers l’ouest pour traverser à nouveau le fleuve en empruntant, cette fois-ci, le vieux pont romain.
C’est alors que nous en sommes venus à évoquer ce qui nous amuse, le sens du détail dans nos approches photographiques.
Nous avons tous en nous des mécanismes plus ou moins émoussés hérités de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs.
Pour éviter de se faire dévorer par d’autres animaux, nos lointains parents ont développé des qualités indispensables à leur survie, aptitudes qui sont nettement moins utilisées aujourd’hui au quotidien.
C’est ce que je pourrais qualifier de vigilance permanente à l’environnement, une capacité à analyser à notre insu tous ces bruits ou éléments de faible intensité, ces détails que d’aucuns perçoivent peu mais que ma fille et moi entendons et, surtout, entrevoyons.
Pour Aurélia, je l’ai constaté très tôt, notamment lors d’une balade à Bornord (Belle-île-en-mer). Nous marchions sur un sentier bordé d’ajoncs, la partie au sud-ouest proche du rivage qui mène vers le banc de Marianne, un passage étroit entre deux lèvres végétales.
À un moment, Aurélia s’est arrêtée sans mot dire.
J’ai suivi la direction de son regard pour comprendre le pourquoi de cette halte soudaine : une sauterelle verte quasi invisible sur fond vert. J’en avais parlé ici d’autant qu’elle l’avait fait à deux occasions.
Elle a cette capacité à voir ce qui est incongru dans son champ de vision. Si aujourd’hui, cette capacité est moins nécessaire pour survivre (et ça reste à discuter), elle est bien utile en photographie.
Et c’est bien à cela que je veux en venir.
Utilisons ces sens hérités des générations précédentes (…de ceux qui eu le temps de nous les transmettre…!) en les réorientant (sic !) pour d’autres usages.
Ce qui fait soudainement irruption dans notre environnement peut devenir un point d’intérêt, voire une scène à photographier. Je ne vais pas délayer !
Avant même d’identifier la nature du danger ou l’incongruité de la situation, votre cerveau nous alerte : éduquons-nous pour figer temporairement cette situation et l’analyser — non plus en terme de danger (quoique !) — mais en tant qu’opportunité pour une photo, une narration.
Voire les deux.
Cette image banale décrit mon état d’esprit actuel entre activité physique (le brompton au dernier plan) en sommeil et l’irruption de plus en plus marquée de ce truc nommé vieillesse… Entre la polaire de mon père et mon nouveau corset4, seule la sangle de gainage apporte une touche de couleur stimulante…
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Oui, ma case billets froids (ici… Nazbrokology-20190320-1831) est assez remplie… ↩