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Douche avec louche…

Yes, you… jerrycan…

dans mémoire | usages | vieillir
par Jean-Christophe Courte

Humeur sur l’usage de l’eau en temps de sécheresse1 qui a fini par réveiller quelques souvenirs, un souvenir en réveille un autre (pffffff…!), chiée de digressions, flashs mémoriels : d’où ce billet totalement décousu écrit d’une traite ce matin (et que je corrige (…pas si…) vite fait en le relisant — plusieurs fois — dans la foulée)…
Oufff…

Après un frugal petit déjeuner, opération qui succède généralement à ma première tâche du matin : vider le lave-vaisselle (…solution économique en eau, faut-il encore le rappeler ?!), j’ai démarré un tweet (quelle ironie…!) qui a dérapé en… un long billet (…remets le contexte, JC…!!)…

Réveil assuré par les chants d’oiseaux qui me servent de sonnerie sur mon iPhone…! Je viens d’écouter sur inter2 une virgule qui traitait des meilleures sonneries et, manifestement, je sors des statistiques avec ce choix qui m’accompagne depuis des années !

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Gamin, j’ai appris à économiser l’eau du robinet chez mes grands-parents puis en pension3 : se laver à l’eau froide (quand elle n’était pas gelée dans les tuyaux) en plein hiver dans un dortoir4 non chauffé bordé par une rangée de lavabos avant de se rassembler à la cantine pour absorber une boisson tiède au vague goût de café. opération d’autant plus succincte qu’il fallait, en moins de trente minutes, s’habiller (…je vous ai dit qu’il faisait froid ?), aller se soulager5, se débarbouiller et faire son lit au carré.

Sans eau ni électricité

Et, plus encore à la toute fin des années soixante, à Fuveau chez une ancienne cheffe de chantier de Solétanche chez qui j’ai passé deux chouettes semaines de vacances.

Françoise D. était passée voir mes parents et la mère avait immédiatement entrevu une superbe occasion de m’éjecter6 quelques semaines (…ce qui était déjà le cas toute l’année, vu que je vivais en internat à une quinzaine de kilomètres).

Je ne me souviens plus de comment j’avais rejoint Aix-en-Provence alors mais il me semble que ma valise était prête dans l’heure. Certainement en train puis dans la voiture de Françoise.

Bref, je me suis retrouvé dans la garrigue, non loin de la saignée de la future autoroute qui passe sur les hauteurs de Fuveau.

Petite maison minimaliste, sans eau ni électricité, construite sur un grand terrain accessible par une voie de terre à peine carrossable… qu’elle parcourait au volant de sa MG rouge !

Elle vivait seule dans des pièces remplies de livres, dormait avec un fusil à portée de main, instrument qu’elle avait eu l’occasion d’utiliser une ou deux fois pour repousser les mâles trop entreprenants du coin.

Il est clair que sa vie marginale nourrissait les fantasmes de vieux gars ! À la fin de sa vie, elle bossait à Aix comme secrétaire bilingue français allemand dans une petite boîte après avoir quitté son job de conductrice de travaux sur des chantiers, notamment sur la Durance où elle avait assisté à des destructions de sites archéologiques pour ne pas freiner la construction d’infrastructures hydrauliques. C’est aussi cela qui l’avait incitée à démissionner, la bêtise crasse mais aussi l’usure de ce métier où elle était un phénomène : pensez-vous, une femme énergique de petite taille qui fait marcher de grands gaillards qui la respectaient. Je m’égare…

Chaque matin, avant que le soleil ne soit trop fort, nous descendions à pied depuis sa maison jusqu’au village faire quelles emplettes (…car pas de frigidaire non plus) puis nous nous rendions à une fontaine pour remplir chacun un ou deux jerrycans7 (vingt litres) que nous remontions sur des claies de portage8.

Les jerrycans restaient en plein soleil et, le soir, nous nous douchions avec une bassine et une grosse louche ou un simple bol9 pour se verser de l’eau tiède sur le corps.

Comme je me souvenais de la fatigue occasionnée par le transport des jerrycans (plus de 35 mètres de dénivelé pour remonter sur son terrain), inutile de rappeler que l’eau ainsi tiédie était savourée…

Je passais ma journée à me balader, lire (pas d’écrans…!). Le soir, elle nous passait des disques d’Elisabeth Schwarzkopf10 sur son mange-disques à piles…
Comme Françoise était aussi solitaire que je le suis, on se parlait lors des repas (j’ai découvert les lasagnes de pâtes gratinées, lasagnes qu’elle préparait dans un four… à gaz…!) et c’est alors qu’elle me parlait de mes parents qu’elle avait connu jeunes sur leurs premiers chantiers11 dans les alpes…

Bref, tout ceci pour dire que l’on peut vivre avec une quantité très raisonnable d’eau au quotidien…

Mais, ça, vous le saviez déjà…


  1. J’ai aussi lu une enfilade de tweets sous un billet de l’excellent Serge Zaka et ça m’a profondément agacé : le messager est systématiquement attaqué par des biiiiiips (…que je bloque aussi sec : je ne discute pas avec les cons, ça les instruit… disait Audiard)… J’ai oublié également ce billet du Monde « Laboratoire » de la sécheresse dans le Var : « Prendre sa douche avec sa casserole, ça remet les idées en place…». Bref, tout ceci m’a incité à réagir par un tweet — qui a dépassé la taille réglementaire —, glissé vers Mastodon — mais plus de 500 caractères — et… Vous l’avez sous les yeux. 

  2. Réveil-matin, trouver le ton 

  3. urbanbike | De si braves garçons | Roman 

  4. lire urbanbike | Château de Bonnelles et une suite, quelques années plus tard, urbanbike | Château de Bonnelles | 2 

  5. Merci à la pension d’avoir fabriqué des générations de gamins constipés ! Entre les portes des toilettes qui ne fermaient pas, l’absence de papier, l’hostilité entre classes, le froid, la nourriture chiche… Que de chouettes souvenirs. Non. 

  6. Je me suis ainsi retrouvé non loin de Nancy une dizaine de jours chez un artiste et sa compagne (il faudra un jour que j’évoque cet épisode, c’était leurs chiens qui faisaient la vaisselle et, comme j’avais un peu d’argent, j’étais sorti un matin acheter du liquide pour m’occuper de la vaisselle empilée en piles… que j’avais nettoyée en rentrant) ; chez des amis du réseau de résistance de mon grand-père vers Fay-aux-loges (des taiseux, je m’échappais en lisant le catalogue ManuFrance) ; chez mes grands-parents paternels à Orléans chez qui elle me larguait à l’improviste avant d’avoir à 16 ans une mobylette pour m’y rendre depuis la région parisienne seul… Et toujours sans les avertir… 

  7. Je place quelques liens si vous souhaitez en savoir plus sur ces étranges contenants… Jerrican — Wikipédia 

  8. Claie de portage — Wikipédia pour illustrer… 

  9. urbanbike | Quand douche rîme avec plaisir… (j’en avais à peine parlé en 2007) 

  10. Elisabeth Schwarzkopf — Wikipédia 

  11. urbanbike | …Tu sais que tu deviens vieux | 13 

le 04/08/2022 à 09:30 | .(JavaScript must be enabled to view this email address) à Jean-Christophe Courte | #