Mondovino
4 DVD, 10 films d'une heure à déguster…
Jonathan Nossiter a réalisé un superbe reportage dans l’univers du Vin et sur les révolutions (et résistances) en cours… Je n’ai pas vu son film monté pour le cinéma en 2004 mais je suis en train de suivre — dès que j’ai une heure devant moi — ses 10 films qui existent en DVD.
Ce sont des chefs d’œuvre d’humour, de causticité, des plongées savoureuses dans un monde très particulier et fermé ou chaque acteur a des certitudes. C’est passionnant. C’est un univers en pleine mutation, dévoré par le marketing. Jonathan se balade dans toutes les contrées productrices, de la toscane à la Napa vallée en passant par la bourgogne, etc. On s’attache très vite aux personnes qu’il interviewe, des personnages toujours intéressants même si l’on a envie d’en claquer quelques uns. Certains parallèles entre le discours des propriétaires et la vie des employés font mouche. Le montage est vif, la caméra filme parfois ce qui est derrière l’interviewé, un détail, une idée qui nous vient en même temps que la caméra va la saisir (je pense aux dents de lapin d’un directeur financier sur lesquelles un zoom rapide se précise…). Le regard de Jonathan n’est jamais cruel mais curieux, amusé, n’hésite pas à montrer les divergences, à épingler les contradictions.
Car derrière tout ce discours, la volonté d’obtenir une note plus élevée dans le Guide Parker, l’envolée des prix, c’est l’histoire des terroirs et du vin de demain qui se joue. Avec une révolution technologique qui oxygène à tout va pour fabriquer à grande vitesse le vin qui se façonnait autrefois en cave avec le temps, le décorum des nouveaux chais, mi-tombeaux, mi-abris anti-atomiques, le discours marketé à coups de visions stratégiques mondiales parfois grandiloquentes (comme des assemblages de grands terroirs pour fabriquer de nouvelles marques, le flinguage du terroir au nom d’une logique de tiroir-caisse…), l’usage insidieux des herbicides au pied des ceps — produits qui ne respectent pas la vigne, quoi qu’en disent les chimistes, ces 10 films sont un fantastique cours sur cet univers aux châteaux de fantaisie, sur la course à la célébrité, sur les vins
de garage, sur la globalisation des cépages, les assemblages pour que le consommateur retrouve d’une année sur l’autre le même produit, le même goût en rayon, comme pour les marques de Cola…
Car, conséquence étonnante, des résultats œnologiques identiques d’argentine aux USA en passant par Bordeaux. C’est le point qui m’a le plus impressionné : quel intérêt de faire quasiment le même vin partout…? Simplement pour plaire à un seul homme qui n’aime que certaines ambiances boisées et concentrées, s’est auto-érigé en parangon du bon goût…?! Sans oublier les interrogations sur les grands crus classés jamais remis en question, le poids non négligeable des relations comme de l’argent ou de la politique.
Depuis, bien que peu consommateur de vin (quelques conseils, PortRoyal, svp…), je regarde mes bouteilles d’un autre air… Alors oui, je suis pour le désherbage à la main et même pour laisser l’herbe entre les rangs ; oui, je suis pour que l’on évite d’ajouter de la chimie tous azimuts et à tous propos ; oui, pour que l’on retrouve des goûts différents d’une vigne à une autre, d’un terroir à un autre. Et en même temps, pourquoi ne pas accepter certaines avancées dans les process de traitement qui améliorent radicalement certains crus… Mais gonflent aussitôt leurs prix… Le vin n’est évidemment pas le seul secteur ainsi tiraillé entre deux logiques.
Mention particulière à toute la main d’œuvre mexicaine de Californie, aux Sardes et à leur philosophie de la vie, au bon sens Bourguignon, à Aimé Guibert, Michel Lafarge, etc.
Bref, à
voir impérativement…