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Ville lumière, années noires

Les lieux du Paris de la collaboration par Cécile Desprairies

dans ancres | architecture | mémoire
par Jean-Christophe Courte

Voici un excellent guide qui m'a remis dans l'ambiance de l'excellent polar de Patrick Pécherot, Boulevard des Branques. Déjà dans son livre, ce dernier situait une scène Hôtel du Continent, rue du Mont-Thabor. Il se trouve que j'ai bossé non loin de là dans cette rue pendant des années. Mais en feuilletant le livre de Cécile Desprairies, mon environnement familier a soudain changé de couleur même si j'avais eu vent du passé vert de gris de certains immeubles du quartier.
Comme l'écrit Pierre Assouline dans la préface…
Qui était là avant ? Il n'est pas de piéton de Paris qui ne se soit jamais posé la question en s'arrêtant devant un immeuble qui lui rappelait quelque chose ou quelqu'un. Les façades haussmanniennes sont autant de déclics de la mémoire. La pierre de taille agit comme une madeleine.

De fait, pendant les quatre années de l'occupation allemande, du 14 juin 1940 au 25 août 1944, ce sont près de 40 000 logements qui furent réquisitionnés ainsi que 400 hôtels… Dans ce livre, seuls 140 dans 20 arrondissements ont été sélectionnés… Je me demande à ce propos si Cécile Desprairies ne devrait pas compléter son livre d'une carte complète sous maps.google.fr…

Ainsi, à deux pas de la rue du Mont-Thabor, il y a le Musée du Jeu de paume qui devint le ministère du Reich pour les territoires occupés de l'Est (en gros, un gigantesque garde meubles d'œuvres d'art spoliées dans lequel Göring vint une vingtaine de fois enrichir sa collection personnelle). Rue de Rivoli au 242, une Agence de renseignements qui abrite, aujourd'hui, nombre de bureaux dont le cercle Suédois, à deux pas de la rue Rouget de Lisle que j'ai emprunté mille fois. L'Hôtel Intercontinental fût le Tribunal de Kommandantur du Grand-Paris, le Ministère de la Justice, place Vendôme, garda son affectation avec la commission de révision des 500 000 naturalisations prononcées depuis 1927. L'Hôtel Ritz devint la Résidence privée des Maréchaux, Amiraux et Ministres. L'Hôtel Meurice, désormais propriété du sultan de Brunei, était le siège de la Kommandantur du Grand-Paris. Enfin, rue des pyramides, on trouvait le siège du Parti populaire français de Jacques Doriot. Etc.

Cette lecture étonnante des lieux de Paris mérite toute votre attention. Entre les cercles militaires, les officines diverses des collaborateurs, les lieux de plaisir comme la maison close Le Chabanais, d'autres de torture ou encore le Ministère de l'Information et de la Propagande, depuis 1981, siège du Parti Socialiste, le télescopage de l'histoire avec l'architecture est saisissante. Ce livre offre une autre lecture de Paris, lecture d'une histoire assez proche.

Étudiant en Architecture, j'avais dévoré le dictionnaire historique des rues de Paris édité aux Éditions de Minuit, voici une nouvelle couche d'informations qui devraient être prise en compte dans le cadre d'une prochaine réédition…

Bref, à parcourir si vous avez l'occasion de vous l'offrir ou vous le faire offrir…

Ville lumière, années noires
Les lieux du Paris de la collaboration
Cécile Desprairies
Préface de Pierre Assouline
Denoël
9782207259252 | 30 €



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le 25/12/2008 à 06:30 | .(JavaScript must be enabled to view this email address) à Jean-Christophe Courte | #