Distribution de l’image numérique
Du catalogue à partager aux images en libre service…

Certainement l'un des phénomènes qui prend le plus d'ampleur ces derniers mois : mettre ses photos numériques en ligne sur un site comme flickr, les déclarer publiques (pardon "public") et balancer ses chapelets d'images, nommer chaque série en anglais (mots plus courts, ceci explique cela…).
Ces derniers temps, je me suis rendu sur quelques groupes d'images ainsi disponibles à tous et je trouve l'expérience intéressante même si on navigue souvent dans un ensemble convenu d'images…
Bref, c'est le moment de redécouvrir certains textes de Pierre Bourdieu ici ou là.
J'exagère car l'on trouve de très jolies perles photographiques au hasard de ces butinages.
D'autant que cette situation va changer rapidement.
Avec l'accroissement des prises de vue numériques — il suffit de lire les restructurations chez Kodak pour mieux comprendre à quel point l'argentique perd du terrain chaque minute —, disposer en ligne d'une vaste base de données d'images "libres de droits" semble à portée de souris dès lors que ces images sont correctement référencées…
C'est le projet de quelques sites en chantier comme, par exemple, yotophoto.
L'intérêt de tels sites est de mettre à disposition quasiment instantanément des images libres de droit (Free use license) selon les licences Creative Commons, GNU FDL, etc. Avec de temps à autre une restriction comme Non-commercial use only. Une vignette suffisante pour se faire une idée, une taille en pixels bien utile pour savoir si l'image est réellement exploitable pour ses besoins et un lien vers le site physique qui possède effectivement l'image source dans ses dossiers.
La seule condition est d'entrer les mots clés de la recherche en anglais.
Je vous suggère de revenir sur la notion de licence Creative Commons.
Cette nouvelle manière de distribuer de l'image va modifier radicalement le marché de l'image photographique. Nous venons de vivre une révolution dans la manière de distribuer de la musique, une autre se met en place pour la vidéo (le film) et il serait étrange que la photo y échappe…
D'autant que la vente de CD-Roms d'images thématiques (ou d'illustrations) a ouvert la voie depuis quelques années et qu'elle continue à être rentable.
Des modes de distribution qui se croisent…
Bref, on se retrouve face à plusieurs modes de distribution :
• les sites marchands professionnels et traditionnels qui ont investi dans des sites internet avec des images de très grande qualité technique et créative, une base riche et sélectionnée, des prix élevés… Là, on parle bien de Corbis, de Getty, Comstock, BananaStock ou des sociétés françaises comme PhotoAlto, Phovoir ou Goodshoot.
• il existe également des revendeurs multi-marques, des grossistes qui diffusent un grand nombre de collections dont des images à l'unité issus de CD-Rom thématiques. Un des meilleurs exemples en France est Graphic Obsession. Ce dernier distribue les images de plus de 50 agences dont les produits de nombreux sites professionnels.
Pour ces deux premiers modes de distribution, les prix sont assez élevés : entre 300 et 400 €, voir plus… Mais les photos sont de très haute résolution, et les fichiers à 300 dpi peuvent peser jusqu'à 90 Mo… Mais une fois ouverts sous Photoshop car le fichier téléchargé n'excède pas 6 Mo en .jpg. L'intérêt de passer par un grossiste est, bien évidemment, un choix nettement plus large de références !
• des sites de photographes professionnels ou amateurs qui acceptent contre royalties de fournir une de leurs images avec des prix variables… Ces sites sont aussi des agences presse comme Magnum, notre ami Jean-François Vibert, etc.
• à l'opposé, des sites de photos "grand public" avec des images qui n'ont d'intérêt que pour de petites communautés d'internautes… Sites qui proposent souvent d'imprimer ces images pour des coûts réduits… Ce sont eux qui permettent désormais à tout à chacun de venir picorer dans leurs archives… À condition que les auteurs des images l'aient bien spécifié. Il existe des sites qui ont vocation à vendre des images de leurs membres comme fotolia. À noter le blog associé.
• des sites professionnels low-cost qui diffusent des images souvent intéressantes mais brutes de fonderie. Et certains, pour des coûts de plus en plus bas, c'est-à-dire entre 1 et 5 $. Ce sont des sites comme Dreamstime ou encore BlueBox, Workbook ou iStockphoto, ISphotos, StockToGo.
N'oublions pas également ce que Adobe propose depuis la CreativeSuite 2 au travers de Bridge : un outil de recherche d'images à la périphérie des outils même de création…
Du coup, certains sites de vente d'image de nouvelle génération contre-attaquent avec des produits spécifiques et il ne serait pas étonnant que des versions serveur de certaines applications comme iView permettent dans le futur à tout à chacun de monter sa boutique d'images.
Enfin, nous avons aussi des agences iconographiques. Celles qui revendent des images de notre patrimoine (beaux arts) comme la RMN — Réunion des Musées Nationaux (le Louvre, le musée d'Orsay comme nombre de musées de province…) à des prix non fixes, ce qui ne facilite pas leur acquisition (il faut répondre à un questionnaire pour chaque vue…).
Ou encore des sites qui sont spécialisés dans un domaine, par exemple poppeimages ne fait que dans les vues sous-marines.
Pour finir : il reste aussi des sites de photographes qui ne sont pas des sites marchands. Mais il suffit parfois d'écrire un mel explicatif pour avoir une info en retour sur le coût ou l'utilisation de telle ou telle image, des sites comme celui consacré à Jeanloup Sieff ou à Frank Horvat…
Prix et qualité
Attention au fait que certains sites jouent sur les mots : Free ne veut pas dire gratuit mais juste libre de droits… Je pense notamment à FreeFoto. Inversement, Low-cost n'est pas toujours synonyme de sous qualité… J'utilise mes propres photos en priorité mais je n'hésite pas à acheter des images sur iStockphoto, par exemple. Néanmoins, mes clients font souvent le choix de Getty ou d'un autre grand site professionnel. C'est l'assurance d'une excellente qualité de bout en bout… Mais cela a un coût.
Effectivement, une bonne partie des images proposée gratuitement ne sont pas d'une qualité fabuleuse, superbement cadrées ou d'une résolution convenable pour un usage iconographique mais c'est parfois amplement suffisant pour dépanner sur une maquette. Et, encore une fois, en y passant du temps, on peut dénicher de très bonnes choses.
Certains sites low-cost l'ont parfaitement compris, intégré et refusent les images inintéressantes. Ils filtrent avec sévérité ce qui leur est proposée : inutile de leur expédier des images de votre dernier bouquet de fleurs ou de votre mignon petit chat… C'est d'ailleurs une assez forte différence avec d'autres types de sites où les photographes amateurs qui ouvrent un compte pour vendre exclusivement leurs images sans esprit critique. Certains ont un ego suffisamment démultiplié qu'ils n'hésitent pas à mettre en ligne des photos d'une banalité effrayante.
En résumé, les sites low-cost se multiplient, de plus en plus d'amateurs découvrent que leurs images sont exploitables et donc négociables. Et cela intéresse de plus en plus de clients qui cherchent à s'approvisionner en images moins coûteuses. Je suis parfaitement dans cette cible.
La filiale française de Getty a du sentir le vent changer et vient d'envoyer à ses fidèles clients un petit guide des mots-clés pour leur expliquer comment trouver rapidement une image via l'outil de recherche sur leur site. Associer des mots clés en français, certes, mais aussi lancer des recherches sur des concepts, proverbes (si, si !) ou des thèmes.
Et c'est d'ailleurs la force des très grosses agences de savoir bien référencer leurs images en plusieurs langues contrairement aux petites structures en ligne. Néanmoins, ces dernières apprennent vite et savent s'adapter.
Les grossistes étoffent désormais leurs sites en proposant d'autres produits (typo, vidéo, etc.), ouvrent des blogs spécialisés, comme celui de Librededroit même si en fait, ce sont les éditeurs d'images traditionnels qui bénéficient de ces soutiens. Par ailleurs, la vente au détail des images des CD-Rom est proposée sur quasiment tous les sites de revendeurs : du coup, l'acquisition du CD-Rom complet par le consommateur se justifie dès lors qu'il utilise au moins deux images de ce dernier…
Demain ?
Du coup, des bagarres sans merci sont en train de se dérouler dans l'ombre même si la rentabilité n'est pas assurée immédiatement. Entre les sites comme Getty ou Corbis et quelques excellents sites à bas prix qui proposent également des images de qualité dans des résolutions moindres, il va y avoir une très forte concurrence. Voir des regroupements et des rachats. Le consommateur a désormais le choix entre s'offrir la "rolls" ou dénicher une série d'images à moindre coût (quand il n'est pas encouragé à essayer de bricoler quelque chose lui même avec un appareil numérique dernier cri…).
Certains professionnels risquent de s'étrangler en découvrant ces propos mais je suis souvent très agréablement surpris de la qualité de certaines images réalisées par des amateurs, que ce soit sur flickr ou ailleurs. Du coup, une économie d'appoint peut se développer, au détriment des photographes professionnels. Ces derniers peuvent réagir en ajustant leurs prix et en proposant des produits beaucoup plus techniques. Je pense à notre ami Laurent Thion et ses QTVR…
Tous les métiers qui utilisent de l'image le savent : le coût des photos augmente et plombe des secteurs bien précis comme l'édition. En même temps, face à des coûts de structures élevés, des grosses agences photographiques ferment. Je pense notamment à Vandystadt…
Dans le cas de l'édition, cela devient même assez dramatique car l'iconographie "plombe" littéralement les coûts de production (source : LivresHebdo) et, en dessous d'un tirage de départ assez élevé, point de salut.
Bref, sans tirer de conclusions type Café du commerce, il est certain que la banalisation des appareils numériques (qui sont également de plus en plus efficaces via des programmes de contrôle internes de la prise de vue ou en terme de résolution) va transformer la manière de diffuser les images.
Cette révolution est en marche et chacun va pouvoir devenir vendeur de ses images comme acheteur de celles d'autrui…
Note du 26 juillet 2005 :
J'ai trouvé deux autres sites intéressants…
• Un low cost nommé Can Stock Photo. Cela fonctionne avec un système de crédits mais on tourne à des coûts compris entre $1 et $4. Les tailles (et poids) des images sont immédiatement visibles comme sur iStockPhoto et un choix d'autres images sur le même thème comme dans fotolia.
• Globalaware qui a une banque d'images en relation avec l'actualité ou des évènements. J'ai ainsi eu la bonne surprise de trouver des photos autour du jour des morts à Oaxaca (Mexique)… Bref, un concept intéressant qui devrait intéresser les éditeurs scolaires…