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La route d’Oxiane

Robert Byron

dans ancres | architecture | lire
par Jean-Christophe Courte

Voici un livre — The road to Oxiana — que j'ai eu du mal à quitter… De fait, cette chronique de voyage écrite par Robert Byron ne vous lâche pas tant que vous n'êtes pas arrivé au bout et c'est avec un réel plaisir que je me suis plongé quelques soirs durant, bien au chaud sous ma couette, dans ce récit de voyage écrit à la serpe par un fou d'architecture et d'art…

Ce plus, c'est une superbe peinture de l'ambiance en Méditerranée puis sur les routes de la Perse et de l'Afghanistan d'alors pour se rendre jusqu'en Inde… Nous sommes à la veille de la seconde guerre mondiale — en 1933 et 1934 (l'auteur a 29 ans le 26 février 1934 vers Chiraz…), les nazis sont au pouvoir en Allemagne et la tension internationale monte doucement. On retrouve d'ailleurs, les descriptions d'architecture en moins, les incertitudes de Peter Fleming et Elsa Maillart dans le livre Courrier de Tartarie — chroniqué sur urbanbike, voyage effectué deux ans plus tard (6000 kilomètres en 7 mois…).

Byron est acerbe, critique, direct, drôle, méchant, précis… Il a un regard ironique sur le monde qui l'entoure et ne s'embarrasse pas de circonvolutions pour exprimer ce qu'il pense… Et sa passion pour l'architecture est enthousiasmante autant que sa culture artistique et historique.

Bref, on ne s'ennuie pas à le suivre, à vivre avec lui les nombreux ratés de son périple vers l'Afghanistan, à visiter Hérat, contempler minarets et mausolés, à se balader dans Yezd — la ville où est née Stella Baruk — ou Firouzabad, etc.
Mais aucune représentation photographique, aucune description verbale ne saurait restituer ce bleu raisin velouté d'azur, ne saurait évoquer les foisonnements sinueux qui rendent l'ensemble su profond et si lumineux. Sur les huit côtés de la base, que plaquent des panneaux de marbre gravés d'inscriptions d'un coufique baroque, le jaune, le blanc, le vert olive et le rouge rouille s'allient aux deux tons de bleu en un tournoiement de fleurs, d'arabesques et de textes aussi finement ciselés que le filigrane d'une tasse à thé. Les fûts des colonnes, au-dessus, sont couverts de petits losanges en pointe de diamant ornées de fleurs, mais cette fois dans l'unique dominante bleu raisin ; chacun d'eux est bordé de faïence blanche en relief, de sorte que la partie supérieure des minarets semble enveloppée dans un filet scintillant.

On découvre en chemin les problèmes liés aux images, les ruses des archéologues sur le site de Persépolis pour empêcher les voyageurs de photographier les champs de fouilles et le stratagème de Byron pour y arriver — avec justesse — car son but n'est absolument pas le même que celui d'Harzfeld, l'archéologue. De plus, prendre des photos en Perse n'était pas apprécié et il a fallu souvent ruser pour les réaliser. Ce voyage avec son ami Christopher Sykes démontre en tous cas son amour immodéré des vestiges historiques, sa volonté de défendre ce patrimoine alors totalement à l'abandon et ignoré même des populations comme des politiques. Et surtout sa soif de comprendre les apports de chaque civilisation dans l'histoire mondiale de l'architecture…

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Ce qui est génial — merci internet sur ce plan précis, c'est que nous pouvons encore admirer les photos qu'il a réalisé sur ce site. 707 photos en noir et blanc — dont 59 d'Herat — couvrent tous ses périples (Grèce et Russie compris), à regarder impérativement.

C'est ici que l'on se rend compte qu'il était également un excellent photographe d'architecture. J'imagine qu'une version de la Route d'Oxiane avec ces photos doit exister…?

Ne réduisons pas ce livre à cela même si ses descriptions sont exceptionnelles. Byron a l'art de peintre en quelques traits une situation, des personnes rencontrées ou des situations particulièrement cocasses… J'ai eu un réel plaisir le suivre dans ce voyage, au même titre que Patrick Leigh Fermor… Tout y passe, une regard amusé sur le protocole des légations britanniques et la diplomatie, une façon de raconter le quotidien qui n'est pas toujours rose, c'est le moins que l'on puisse dire car les moyens de transports sont minimalistes tout comme le confort d'époque. Mais aussi une réflexion sur le monde qui change, les bouleversements apportés par la modernité. C'est certainement l'un des meilleurs livres de voyage que j'ai lu ces dernières années… Espérons que les endroits décrits ne seront pas un peu plus meurtris au nom du fanatisme comme du pétrole…

Robert Byron est mort en 1941, le bateau qu'il empruntait pour se rendre en Egypte ayant été torpillé par un U-Boat…

Route d'Oxiane

Robert Byron
Payot-Rivages
9782228895392 | 10,40 €



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Quelques livres chroniqués sur urbanbike et qui se déroulent dans les mêmes endroits… Ou pas loin autour…!
Naître en français | Stella Baruk
Courrier de Tartarie | Peter Fleming
Longue marche | Bernard Ollivier
Entre fleuve et forêt | Patrick Leigh Fermor

le 13/01/2008 à 06:00 | .(JavaScript must be enabled to view this email address) à Jean-Christophe Courte | #